« C’est sûr qu’on est encore loin, confie Jean-Yves Aglae (Martinique Horizon). L’arrivée est dans un coin de la tête mais ce sera dans dix jours… Il reste encore beaucoup à faire ». « On est dans un entre-deux, poursuit Pierre Brasseur (Inland Roots Ocean Soul). Et puis en mer, on n’arrive pas à se projeter vraiment : on ne prend pas jour par jour mais heure par heure ».
La flotte Class40 aura connu une course très différente des trois autres classes de la course (ULTIM, Ocean Fifty et IMOCA). Il y a d’abord eu l’escale à La Corogne pour éviter le gros de la dépression, puis le retour en course et l’heure des choix. Il s’agit ainsi de la seule catégorie où un choix stratégique majeur a scindé la flotte en deux. Louis Duc, engagé en IMOCA (Fives Group – Lantana Environnement), évoque avec admiration la bataille de ses confrères en quarante pieds. « Il y a beaucoup de très grands marins chez les Class40. On sent qu’ils font abstraction du reste de la flotte et sont intégralement focalisés sur leur régate. C’est extrêmement serré, ça oblige à batailler jour après jour et on sait que ça va les tenir jusqu’au bout. »
« Ne pas prendre trop de risques »
Edgard Vincens (Phare 40 – Ha Plus PME) rappelle les enjeux des choix qui ont scindé la flotte en deux depuis quatre jours désormais. « La route nord est plus courte mais elle est plus risquée parce qu’elle oblige à traverser une dorsale anticyclonique. La route sud permet d’aller chercher les alizés sauf qu'ils ne sont pas bien calés. Ça rallonge la route mais c’est moins casse-bateau, c’est au portant et c’est plus rapide ».
Lomano Takasi et Jean Marre (Réauté Chocolat) ont eux aussi opté pour le sud. « Nous avons lancé le projet tardivement, on n’a eu que deux mois de préparation et là, c’est la première journée où je ne sors pas la caisse à outils », confie Lomano. Dans de telles circonstances, hors de question de prendre des risques et de filer au nord. « On savait bien un moment qu’on allait payer notre manque de préparation mais l’essentiel, c’est de continuer la course et de ne pas prendre trop de risques ».
Tous poursuivent donc leur route avec les petites joies qui vont avec. Les sudistes peuvent ainsi profiter d’un mercure de plus en plus élevé et ça fait du bien. « On peut enlever nos bottes, nos pantalons de ciré et sortir les tee-shirts et la crème solaire, sourit Edgard Vincent. C’est comme si c’était une nouvelle course qui débute ». Désormais, place au portant avec la volonté de toujours « préserver le matériel » et « prendre le maximum de plaisir ».