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Plus forts que la douleur

IMOCA
Best of arrivées  |  10 novembre 2025 - 21h00
Il s’agit d’un thème qui revient dans les mots de nombreux skippers IMOCA à cette TRANSAT CAFÉ L'OR Le Havre Normandie : la dureté des conditions de vie à bord des foilers. En sautant de vague en vague, en retombant violemment dans les creux, en provoquant des à-coups et des accélérations soudaines, les monocoques, surtout les plus récents, soumettent les corps à rude épreuve. Témoignages des skippers à leur arrivée.

Ils avaient la mine de ceux qui ne pouvaient pas cacher leur déception. Dans la nuit de dimanche à lundi, Yoann Richomme et Corentin Horeau en terminaient avec la TRANSAT CAFÉ L’OR Le Havre Normandie. Les deux marins, qui faisaient partie des favoris, ont dû batailler pour se hisser dans le ‘top 10’. Et forcément, la dureté des conditions du bord s’est ressentie. « Quand tu es à l’avant, ça fait mieux passer la pilule, confie Yoann. Mais en te donnant à l’arrière à fond, c’est vraiment usant ! »

Du « shaker » à « l’accrobranche » en pleine mer

Les IMOCA de dernière génération usent les corps. « Je n’avais pas le souvenir que c’était aussi éreintant, abonde Corentin. En fait, il n’y a que deux places qui sont bien dans le bateau, sur le siège et dans la bannette. Sinon tu es par terre, tu t’accroches. Et même quand tu vas dormir, tu te fais broyer le dos ! » La veille, Élodie Bonafous et Yann Eliès (Association Les Petits Princes – Quéguiner, 8e) partageaient le même constat. « Lorsque tu passes six à sept jours enfermés dans la cabane, à faire des allers-retours entre la colonne de winchs et la bannette sans mettre la tête dehors, c’est très engagé », reconnaissait Yann Eliès. 

Élodie Bonafous a trouvé des surnoms à son bateau : « avant, je l’appelais le shaker, là, je l’ai appelé l’accrobranche ». Elle disputait sa première transatlantique à bord de son IMOCA à foils : « on passe notre temps suspendu à l’intérieur. Tu te déplaces en te tenant constamment au plafond, tu es tout le temps crispé et tendu… J’ai même commencé à avoir des tendinites à l’épaule ! » 

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© Jean-Louis Carli / Alea

L’enfer des « sauts de bannettes » 

« Ce sont des bateaux qui sont très exigeants, raconte également Violette Dorange (Initiatives Cœur, 6e). Il faut tout le temps être en train de se tenir à l’intérieur avec deux mains parce qu’une main, ça ne suffit pas. Sinon, on se cogne partout ! » Violette n’avait jamais disputé de transatlantique à bord d’un foiler. « Même quand on dort, on fait des bonds dans la bannette et on se fait mal au dos ». C’est d’ailleurs à cause d’un mal de dos chronique que Yann Eliès est resté allongé dans la bannette pendant 36 heures… 

De leur côté, Thomas Ruyant et Ambrogio Beccaria (Allagrande Mapei, 4e) parlaient même de « sauts de bannette » qui empêchaient de trouver le sommeil.  À bord de son nouveau bateau, Les Petits Doudous, Armel Tripon n’a pas caché que le caractère éprouvant de la course. « J’avais oublié à quel point s’était dur, sourit-il à son arrivée. Les bateaux sont bruyants, sollicitant, ça nécessite un engagement de chaque instant. Et puis il faut s’adapter à la vitesse et à l’intensité ». 

« Dès que les conditions sont engagées comme en Manche, la vie est bord est tout de suite très compliqué, ajoute son co-skipper, Tanguy Leglatin. Les mouvements peuvent venir de partout et les bateaux sont plus raides que les Class40 notamment ». En plus, il faut composer avec la nécessité de garder son sang-froid en permanence. « Ça apporte beaucoup de stress, beaucoup de tension, reconnaît Xavier Macaire (Teamwork-TeamSnef, 5e). À bord, la moindre erreur peut rapidement être très grave. Et casser le bateau, ça peut être rédhibitoire ! » 

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© Jean-Louis Carli / Alea

Les petites joies des « foilers sages » 

Pour une fois, la clé est peut-être à trouver… À l’arrière du peloton. En effet, si les monocoques de génération précédente sont bien moins rapides et performants, ils sont aussi beaucoup plus confortables. Romain Attanasio et Maxime Sorel (Best Western – Fortinet, 11e, mis à l’eau en 2015) à leur arrivée ce lundi expliquaient que « ce n’était pas si inconfortable ». 

Même son de cloche à la vacation ce matin avec deux skippers encore en course, Manu Cousin et Jean-Baptiste Daramy qui progressent à bord d’un bateau mis à l’eau en 2010 (Coup de Pouce). « C’est sûr qu’on est beaucoup moins rapides, qu’ils avancent parfois à 10 nœuds de plus que nous, confie Manu. Mais c’est vrai que pour nous, c’est plus agréable, nos bateaux passent mieux la mer ». « Je dirais qu’on a un foiler sage, sourit Jean-Baptiste. C’est plus confortable qu’un Mini et un Class40 ! » Et bien plus confortable, aussi, que les bateaux les plus performants du moment !  

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© Jean-Marie Liot / Alea