Ils ont enfin pu goûter à la délivrance, oublier la tension latente qui gardait les nerfs à vif et les esprits toujours aiguisés. Tom Laperche et Franck Cammas ont franchi la ligne d’arrivée dans la nuit martiniquaise et pour un temps, il n’était pas question de chiffres, de records et de victoires, juste du petit bonheur de lâcher enfin la barre et d’oublier les réglages. Leurs mines fatigués, éclairés par les fumigènes puis par les lumières des photographes, traduisent la décharge d’efforts autant que l’émotion qui affleure. « L’arrivée, c’est d’abord un grand soulagement », explique Tom dès ses premières phrases, évoquant un grand gennaker abîmé dans les dernières heures de course. « Quand on est devant, on a envie que ça se finisse vite », sourit Franck Cammas.
Chez les deux hommes, ce sont les regards qui parlent le plus. Celui de Tom évoque la reconnaissance, celui de Franck l’admiration. « Bien sûr qu’on est sur la même longueur d’onde » assure l’aîné, « ce qu’on a vécu est hyper fort » corrobore le benjamin. On retrouve chez eux la complicité entrevue une quinzaine de jours plus tôt. Le vendredi matin avant le départ, les deux hommes se confiaient devant une dizaine de journalistes. Les parallèles sautaient aux yeux : mêmes attitudes, même débit de voix posé, même détermination qui s’immisce entre chaque phrase. Dans leurs mots, ils font preuve d’humilité – « il ne faut pas sous-estimer Banque Populaire » (Franck) – et d’une certaine sérénité – « bien entendu, nous avons progressé depuis la dernière édition » (Tom). Tom Laperche est toujours le plus jeune de la catégorie ULTIM mais il a bien grandi. Depuis sa dernière participation (2e avec François Gabart), il a participé à un premier tour du monde en solitaire et a montré qu’il avait l’étoffe d’un grand.
« On avait failli naviguer ensemble… »
La précocité, le sang-froid face aux éléments, la capacité à mener seul un mastodonte à trois coques, le talent manifeste… Il y a du Cammas dans Laperche. Pourtant, les deux marins n’avaient jamais été associés. « On avait failli naviguer ensemble en 2015 : un sponsor m’avait proposé de franchir le Cap Horn avec un jeune marin », raconte Franck. Tom faisait partie de la sélection mais n’est finalement pas retenu. « Ils ne l’ont pas sélectionné parce qu’il était trop fort, ils voulaient quelqu’un de plus amateur », se souvient l’aîné. Depuis, Tom Laperche a gravi les échelons : vainqueur de la Solitaire du Figaro en 2022, Transat Jacques-Vabre 2023 avec François Gabart et participation à un tour du monde en solitaire (Arkéa Ultim Challenge en 2024). Il y a un peu plus d’un an, Tom sollicite Franck. « J’avais envie qu’il nous rejoigne pour bénéficier de sa confiance, de son expérience et pour continuer à développer le bateau ». Franck assure que le challenge est « difficile à refuser ». La saison de SVR-Lazartigue est une montée en puissance progressive : victoire à la prestigieuse Rolex Fastnet Race cet été puis succès aux 24 Heures ULTIM en septembre.