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La convergence des luttes

ULTIM
05 novembre 2025 - 09h17
Ils arrivent du Sud ou de l’Est et avancent à grandes enjambées vers Fort de France qui va leur réserver un accueil du tonnerre. Pendant que les Class40 crapahutent du côté des Açores, les ULTIM, Ocean Fifty et IMOCA glissent dans un entonnoir. Plein gaz dans l’alizé vers la Martinique, ils ne ménagent pas leur peine non plus. Chaque binôme croit en ses choix et se bat, contre les éléments un peu, ses adversaires beaucoup. Personne n’a encore course gagnée mais La TRANSAT CAFÉ L’OR Le Havre Normandie ne va plus tarder à délivrer son verdict. SVR Lazartigue qui est sorti avec une confortable avance du Pot au Noir est attendu dans la nuit sur la ligne d’arrivée. Il devrait être suivi par le premier des Ocean Fifty, et c’est pour l’instant Viabilis Oceans qui endosse le rôle d’une courte tête dans cette classe. Le point avec les leaders à quelques heures de l’arrivée.

ULTIM : Derniers virages

Avec près de 200 milles d’avance à 450 milles de l’arrivée, rien à part le mauvais sort, ne semble pouvoir priver SVR Lazartigue de la grande victoire qu’il est venu chercher sur la TRANSAT CAFÉ l’Or. Cette Route du Café qu’il a déjà terminé deux fois à la deuxième place (2021 et 2023) est marquée depuis la pointe Bretagne par l’emprise du trimaran monochrome bleu, mené de main de maître par Tom Laperche et Franck Cammas. Ils vont vite, toujours au bon endroit et la concurrence a beau se démener, rien n’y fait. 

Le passage du Pot au Noir dans le sens Nord Sud que Benjamin Schwartz qualifiait hier matin de « match retour » était la dernière véritable opportunité météorologique de rebattre les cartes. Il n’a rien changé à la physionomie de la course, bien au contraire puisque SVR Lazartigue a accru son avance sur Sodebo Ultim 3. Tom Laperche et Franck Cammas ont abattu plus de 600 milles ces dernières 24 heures, navigant un demi-noeud plus vite que leurs dauphins. 

Sur la cartographie, on pourrait croire que la route est directe vers Fort de rance mais il reste quand même quelques empannages à caler et des grains à négocier avant de commencer à scruter les reliefs de la montagne pelée.

SVR-LAZARTIGUE

Ocean Fifty : Nouveaux visages

On s’était habitué à la voix douce et enjouée d’Emmanuel Le Roch sur Edenred, c’est celle de Baptiste Hulin, pleine d’entrain que l’on découvre à la vacation ce matin. Associé à Thomas Rouxel, ils forment un tandem discret mais redoutablement efficace, longtemps tapis dans l’ombre après leur arrêt à l’Aber Wrac’h le lendemain du départ « On est reparti avec 140 milles de retard, on a eu jusqu’à 200 le long du Portugal et là, d’être en tête, c’est génial même si on regrette un peu que ce soit suite à l’avarie d’Edenred ». Cette nuit, le binôme était bien trop occupé à veiller les grains sur la route pour être déjà dans la rétrospective de la course : « La nuit a été bien active, on était tous les deux sur le pont. C’est très difficile de lire le plan d’eau, de comprendre si les grains sont en train de s’éjecter ou de grossir. On est les premiers à butter dedans et on essaie d’éviter les molles » confiait Baptiste.

L’avarie d’Edenred n’a en tous cas pas refroidi les ardeurs des Ocean Fifty qui foncent tête baissée sur la Martinique, enchaînant les empannages à haute vitesse dans un atmosphère électrique. En 24 heures, Viabilis Oceans a abattu 480 milles et sur le bord rapprochant (tribord amures) où il ne peut plus porter son grand gennaker, Edenred 5 est clairement plus lent, jusqu’à trois noeuds de moyenne en moins sur l’ensemble de la journée.

Troisièmes derrière Wewise (Pierre Quiroga-GastonMorvan), Emmanuel Le Roch et Basile Bourgnon s’accrochent mais ont fort à faire pour endiguer les assauts du Rire Médecin Lamotte, six petits milles seulement sur leur arrière. Sur ce trimaran qui date de 2009 (c’est le premier plan Neyhousser dessiné à l’époque pour Yves Le Blévec), le tandem Luke Berry-Antoine Joubert démontre tout le bien fondé de la jauge de ces trimarans de 15 mètres qui, maintenus au goût du jour et bien mené, peuvent encore concurrencer les derniers nés de la classe sur les courses de fond. 

Il reste 36 heures d’efforts et de concentration aux Ocean fifty pour gagner leur place au soleil. « Rien n’est gagné, mais le bateau est à 100% et les bonhommes à 200 ! » prévient Baptiste Hulin.

VIABILIS OCEANS

IMOCA : « Si t’empannes, t’es un lâche  ! »

Pour paraphraser la maxime viriliste des régatiers « si tu choques t’es un lâche  ! », c’est un peu à celui qui empannera le plus tard que revient le plus fort des gains en ce moment sur la route des alizés. Macif Santé Prévoyance et 11th Hour Racing ont déclenché un peu tôt cette nuit et ont été obligés de s’y reprendre à deux fois. A ce petit jeu d’observation, Jérémie Beyou et Morgan Lagravière, ne se sont pas trompés. Ils ont poussé un peu plus loin dans le Nord et ont fait un bon coup. « On a empanné pile au bon moment et c’était une bonne journée pour nous. On continue à tout donner ! » confirmait ce matin Jérémie Beyou. L’ avance de Charal culmine ce matin à plus de 70 milles, le plus gros écart en IMOCA depuis le départ du Havre dimanche dernier. Le plan Manuard navigue un peu plus bas et un peu plus vite que le plan Verdier de Sam Goodchild et Loïs Berrehar qui doivent commencer à se poser des questions. Car s’il reste encore 20% de la route à couvrir d’ici Fort de France, les occasions de recoller s’amenuisent au fil des jours pour la flotte attendue samedi en Martinique. 

Au fil de la progression vers l’Ouest, les grains plus nombreux dans l’alizé commencent cependant à donner du fil à retordre et sont à chaque fois une opportunité de reprendre des milles ou le risque d’en perdre : « Tout à l’heure, on s’est arrêté et là, c’est plutôt puissant.  Le vent est monté jusqu’à 30 noeuds derrière raconte Jérémie Beyou. Dans ces conditions, tu ne roules pas, tu gardes la toile mais il faut tout le temps régler pour que ça passe et surtout pour continuer à aller vite. C’est quelques centimètres d’écoute, la position du traveller de grand-voile, un petit réglage de pilote, la répartition des poids à bord . Bref, il faut être dessus  ! »

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Class40 : Par le col ou la vallée.

Ils étaient 40 chercheurs d’or à partir de la Corogne. Mais c’est l’Atlantique qui est en train de passer la flotte au tamis plutôt que l’inverse. Avec deux passages de front en deux nuits successives, le mauvais temps a fait du tri dans la flotte. Ocean Connect The Sea Cleaners (Jean Baptiste Ternon et Gaëtan Thomas) a démâté hier, Interaction (Yannig et Erwann Livory) et RDT Logistic Forvis Mazars (Renaud et Gilles Courbon) ont fait demi-tour vers Cascaïs (Portugal), ce dernier ayant annoncé son abandon officiel et la trace de plusieurs autres Class40 montre qu’à part la couleur du vent sur la cartographie, tout n’est pas rose ce matin entre l’Espagne et les Açores.

Sur SNSM Faites un don, « la caisse à outils est toujours matossée bien à sa place » selon Corentin Douguet. Le leader depuis 48 heures continue d’impressionner mais avoue que cette nuit dans le Nord a été des plus rudes : « C’était vraiment costaud avec 4 mètres de mer, par le travers heureusement, du vent établi à 35 nœuds et des baffes à 45 voire 50. C’est un compromis à trouver pour ne pas tout casser mais à un moment, ces bateaux-là ne veulent pas ralentir et c’était rock and roll dans la bannette ! » Exactement dans le timing qu’il avait prévu au passage du way-point Sud des Açores, le tandem Corentin Douguet-Axel Tréhin a creusé l’écart sur Legallais (Fabien Delahaye-Pierre Leboucher), à trente milles derrière. Premier du groupe des Sudistes, Amarris (Achille Nebout-Gildas Mahé) est dixième, à 171 milles du leader. Il avance 4 nœuds plus vite sur l’eau mais 8 nœuds moins vite en rapprochement au but sur les quatre dernières heures, faisant route presque plein Sud. Dans ces conditions très sélectives, au Nord comme au Sud, la flotte se distend sérieusement entre professionnels aguerris et amateurs qui se cherchent. Sans parler des bateaux ayant connu d’avaries, 260 milles séparent déjà le leader du 32ème Alderan (Sasha Lanièce, Sanni Beucke)

Quant à l’écart en latéral entre les deux flottes, il n’est pas prêt de de se combler puisque SNSM Faites un don prévoit de repartir assez rapidement aujourd’hui en bâbord amures comme s’il allait visiter Horta pour se positionner pour le prochain front ! « Là, on profite du vent qui est revenu à 20 nœuds pour sécher le bateau, se reposer un peu et faire un check du bateau » confiait Corentin Douguet qui sait que désormais, il faut aller au bout de son option.

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