Là où naît le vent de l’engagement
À l’origine de ces engagements, il y a souvent une rencontre, un échange, ou parfois une épreuve de la vie qui change tout.
Pour Armel Tripon, tout a commencé par un passage aux urgences pédiatriques, son bébé d’à peine un an dans les bras. "Je me suis retrouvé dans des situations peu agréables, à devoir tenir mon enfant pour que les infirmières puissent le piquer", se souvient le skipper. C’est là qu’il croise la route de Nolwenn Febvre, infirmière-anesthésiste et présidente de l’association Les P’tits Doudous, qui œuvre pour rendre l’expérience du bloc opératoire moins angoissante pour les enfants. Depuis les P’tits Doudous font partie de son équipage à part entière. "La compétition, c'est quelque chose qui peut parfois être égocentrique”, commente Armel. “Tout est tourné autour de soi. Donner la possibilité à une association d'exister, de rayonner, de mieux se faire connaître, c'est peut-être donner un peu d'utilité à son métier."
Un sentiment que partage Thibaut Vauchel-Camus, qui depuis plus de 10 ans, a floqué son bateau et ses voiles du logo de Solidaires en Peloton. À travers ses courses, il offre une parenthèse d’évasion aux malades atteints de sclérose en plaques, parfois même de manière très concrète, en les emmenant naviguer. "Le plus troublant dans ces jolis moments, c’est quand ils nous remercient et nous disent que c’est "grâce" à leur maladie qu’ils ont pu naviguer. Je ne peux m’empêcher de me dire que les mots “grâce” et “maladie” ne collent pas dans cette phrase." Des mercis qui l’ont profondément marqué lors de sa première Route du Rhum, en 2014. À l’époque, en Class40, il termine deuxième. "J’ai eu plus de mercis que de bravos", s’étonne encore Thibaut. "On ne cherche pas les mercis quand on fait ce genre de chose, mais quand on les reçoit, ça nous touche profondément. Ça m'a rassuré sur l’intégrité, l’honnêteté et la sincérité de mon projet."
Leur bateau, leur victoire
Cette communion, Tanguy Le Turquais l’a découverte il y a quatre ans, le jour où sa femme Clarisse Crémer lui fait connaitre les colocataires de Lazare. "Il y en a plein qui me donnent des conseils alors qu’ils n'ont jamais vu la mer", plaisante Tanguy. L’association Lazare permet aux sans-abris de vivre en colocation avec de jeunes actifs. Au départ, les bénéficiaires de l’association avaient des préoccupations bien éloignées de la course au large. Mais la Transat Jacques Vabre 2023 va profondément les marquer. "La plupart vivent dans la rue et se moquent un peu de la voile", explique Gratien Regnault, directeur du développement de Lazare. "Lors de la dernière édition, quand Tanguy et Félix (de Navacelle) cassent leur bateau, se battent pour repartir et inscrivent résilience en lettres capitales sur leur coque rafistolée, les colocs se sont dits : ils font ça pour nous. Depuis c'est le jour et la nuit, c’est LEUR Tanguy, ce n'est pas un skipper qui navigue aux couleurs de Lazare, c'est LEUR Tanguy." Et lorsque Tanguy et Erwan ont chaviré dans la nuit du samedi 25 octobre, c’est naturellement que plusieurs colocs sont venus les réconforter et les soutenir comme ils le font au sein de leurs nouveaux foyers.
Ce sentiment d’appartenance, Les P’tits Doudous l’ont eux aussi ressenti. Quand le nouvel IMCOA d’Armel Tripon a fait son entrée dans le port du Havre, Nolwenn Febvre, président de l’association, était présente aux côtés d’une aide-soignante. "En voyant le bateau arriver dans le chenal, raconte Nolwen, elle m’a dit qu’elle avait senti que ce bateau était le sien". De l’autre côté du ponton, le bateau Ose ta victoire était amarré devant le stand de l’association. Chaque jour, Enzo, atteint de neurofibromatose, venait l'admirer avec fierté et des étoiles plein les yeux. "Voir Thomas et Sacha naviguer sur ce bateau pour nous c’est un honneur", s’enthousiasme le jeune homme. "On se connait depuis un an, je les ai découverts à la Normandie Channel Race et on a sympathisé. Depuis je les suis et je vais à toutes les courses de MON bateau."