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Des têtes (bien faîtes) Skippers et ingénieurs

Édition 2025  |  23 octobre 2025 - 12h00
Il s’agit d’un des aspects qui rassemblent nombre de skippers dans chacune des cinq catégories : le fait qu’ils aient une formation d’ingénieur. Quel que soit le domaine qu’ils ont étudié, ces marins le transposent ensuite dans la gestion de leur projet et dans leur manière d’appréhender la course. Décryptage d’une méthode cartésienne et rationnelle qui contribue à leur réussite au plus haut niveau.
LES P'TITS DOUDOUS - IMOCA

C’est une devinette qu’on devrait poser sur les pontons. Quel est le point commun entre Armel Le Cléac’h (Maxi Banque Populaire XI), Samantha Davies (Initiative Cœur), Achille Nebout (Amarris) ou encore Guillaume Pirouelle (Seafrigo - Sogestran, Class40) ? Tous ont suivi une formation d’ingénieur dans leurs jeunes années. Sasha Lanièce (Alderan, Class40) en fait partie, elle qui est diplômée de l’École d’ingénieurs des Arts et des Métiers et docteure en physique à l’École Normale Supérieure. 

Pour la navigatrice, le fait d’être ingénieur « offre de façon pragmatique une connaissance plus approfondie des matériaux, du mécanisme des bateaux », en somme « d’être plus à l’aise sur la partie technique ». « Quand j’étais jeune, j’adorais les chiffres, les maths et les sciences, raconte Sam Davies (Initiatives Cœur). Je voulais étudier la conception des bateaux mais mon père m’a poussé à suivre une formation plus généraliste d’ingénieur à Cambridge. Ça me permettait de m’ouvrir à davantage d’opportunités ».

« Des méthodes, une rigueur, une capacité à s’adapter et à anticiper »

Tom Laperche (SVR Lazartigue), diplômé de l’école d’ingénieurs de l’Université de technologie de Compiègne, rappelle également qu’il s’agit « d’un sport mécanique avec des innovations et du développement technique ».  Ce qu’il a appris lui permet également de tisser une proximité avec le bureau d’étude et de « comprendre les bons raisonnements » de son équipe technique. Mais une formation d’ingénieur ne se limite pas seulement aux aspects techniques.
 

ASSOCIATION LES PETITES PRINCES QUEGUINER ONBOARD

« Je crois que ma façon de vivre et de travailler a été un peu façonnée par mon cursus d’ingénieur, ajoute le jeune marin. Ça permet de s’organiser, de gérer ses priorités, de savoir faire des compromis ». Achille Nebout (Amarris, Class40) a fait ses études à l’INSA Lyon. « Bien sûr que calculer une dalle en béton ne va pas nous aider en tant que skipper, sourit le marin d’Amarris. Mais on apprend des méthodes, une rigueur, une capacité à s’adapter et à anticiper ». « Être ingénieur, c’est surtout un état d’esprit, poursuit Guillaume Pirouelle (Seafrigo - Sogestran, Class40), également formé à l’INSA Rennes. Je suis quelqu’un de très cartésien, ce qu’a renforcé ma formation ». 

Parvenir à laisser s’exprimer le ressenti 

Le skipper Class40 assure qu’il est « tourné vers les chiffres pour trouver de la performance ». Pourtant, Guillaume reconnaît que « ça ne fait pas tout ». « Il faut aussi du feeling, savoir parfois écouter plus ses sensations ». Une remarque que partagent les autres marins : « les chiffres c’est bien mais pour réussir ses réglages, ça ne s’apprend pas que devant un ordinateur », corrobore Anne-Claire Le Berre. 

OceanFifty_KOESIO_Erwan LE ROUX Manœuvre

Yann Eliès, coskipper d’Élodie Bonafous (Association Petits Princes – Queguiner) a vu débarquer des dizaines de skippers ayant une formation d’ingénieur à l’instar de Charlie Dalin (ingénieur naval) avec qui il a navigué. « C’est à double tranchant, estime Yann. D’un côté les ingénieurs parviennent à prendre en main plus rapidement les bateaux mais d’un autre, il ne faut pas passer à côté du feeling. C’est important de faire confiance à ses ressentis ». Corentin Douguet, officier de la marine marchande, est plus catégorique : « étant donné que c’est un sport mécanique, les profils ingénieurs ont des atouts et ça peut aussi servir pour travailler dans la course au large. Mais pour être performant et gagner des courses, ce n’est pas aussi simple ». 

Erwan Le Roux (Koesio, Ocean Fifty) ne dit pas autre chose : « faire du bateau, c’est possible pour tout le monde. Un ébéniste de formation en est autant capable qu’un ingénieur ! » Vincent Riou (Pierreval-Fondation GoodPlanet, Class40) conclut : « Un bon skipper est à la fois capable de lire des données, de bricoler, d’être pertinent en météo… Un bon marin, c’est surtout celui qui est le plus polyvalent possible. Et c’est cette somme de compétences qui fait qu’on arrive à être performant ».